Los Prisioneros - Pop-rock ochentero
Los Prisioneros
"Merde, qu'est-ce qu'il nous lâche comme truc kitch le JM ?"
J'attends à beaucoup de réactions allant dans ce sens avec cet ancien groupe chilien, toujours incontournable. Je me rappelle de ma réaction quand Marie P. réagissait ainsi à ma première présentation de musique chilienne : "Ensuite tu me feras une présentation de Los Prisioneros" Alors je me suis mis à écouter. Mais qu'est-ce que c'est que ce truc bourré de mauvais synthés des années 80 ?
J'ai appris à apprécier.
Los Prisioneros n'est pas simplement un groupe 'ochentero', c'est surtout LE groupe de contestation sociale sous la dictature. Quand les déjà-nommés-précédemment Quilapayun, Inti-Illimani, Jaivas, etc. occupaient depuis l'étranger le terrain la contestation politique, les Prisonniers eux axaient leurs textes sur une provocation audacieuse. Jugez-en pas vous même avec Sexo (1984)... :
"sexo compro
sexo vendo
sexo arriendo
sexo ofrezco...
Ya no hay de que enrojecer
es cotidiano ya lo ves
ahora la virginidad
es una cosa medieval"
"j'achète du sexe
je vends du sexe
je loue du sexe
j'offre du sexe...
il n'y a plus de quoi rougir
tu vois bien que ça appartient déjà au quotidien
aujourd'hui la virginité
es un truc médéval"
Vous noterez l'humour de ce groupe qui vient à peine de percer. En avance sur son temps, et même sur l'IEP de Rennes en s'initiant au libdub de qualité artisanale. (Désolé, provocation gratuite, le thème de l'article m'y oblige). Comment ont réagi les autorités de la dictature militaire de Pinochet soumises à l'influence de l'Opus Dei ? Crac ! Censure. Quoi de mieux que la censure pour se rendre célèbre ?
Autre chanson où la critique sociale du groupe lui a valu la censure : El baile de los que sobran (1986)
Ici, Jorge Gonzalez, Claudio Narea et Miguel Tapia s'attaquent à l'éducation qu'ils considèrent comme facteur de discrimination et à l'origine des inégalités sociales. Sacrément bourdieusiens les mecs. Un thème étonnamment d'actualité aux vus des évènements actuels au Chili.
Bourdieusiens, mais aussi féministes avec Corazones Rojos (1990) :
Avec un texte évidemment ironique, les trois musiciens critiquent la société machiste chilienne.
A l'époque, le simple fait d'être rockeur était un signe de contestation, quand la seule musique promue par le régime était le fameux 'baile nacional' (danse nationale) à savoir la cueca. Jouer du rock c'est comme jouer de la musique andine, c'était chercher l'émancipation.
Aujord'hui, il s'agit d'un des groupes les plus repris à la guitare, la nuit, dans les ruelles de Valparaiso, en se cachant des camions de carabiñeros à l'affût de musiciens délinquants (jouer de la musique dans les rues, un verre à la main, peut vous coûter trèèèèèès cher ici). Non seulement leurs textes sont d'une richesse incroyable mais leur musique est très intéressante - certes les arrangements sont plus contestables, mais ils reflètent une certaine époque.
Toujours aussi "kitch" los Prisioneros ?
