Vers le Norte Grande (notes de mon Carnet de Voyage I)

Quelque part sur la Panaméricaine, entre la Serena et Calama. 13/12/2010

J'aurais aimé faire de la poésie, métaphorant la route, ce long ruban rugueux qui vous accroche, comme une force évidente dont les tentacules s'ancrent dans les porosités innées de chacun de nous. Mais tout cela, vous le voyez, n'est que ridicule, ne signifie absolument rien.

Bref, me voilà sur la route, sans métaphore donc, sans artifice littéraire: La route certes défile, avec son paysage aride, celui du Nord du Chili. Jamais, jusqu'à aujourd'hui je n'aurais été davantage aux confins du monde, plus vers les tropiques, plus vers l'équateur que jamais. Vers ces pays où jamais il ne pleut. A quoi m'attendais-je ?

A plus d'aventure, peut-être. Les cars sont d'un confort incroyable, vous diffusant des comédies américaines sirupeuses, comme pour vous distraire de ces paysages fabuleux - au moins l'étaient-ils jusque là dans mon imagination - que j'avais entr'aperçu dans Carnet de Voyage (Diario de Motocicleta). Je ne suis pas le Che, je ne vis pas à la même époque, je n'ai pas de moto, je ne suis pas médecin, je n'ai pas ses idées - même si parfois il m'arrive de partager ses rêves.

Le Chili, comme je l'espérais a sans doute disparu avec le temps, avec le néo-libéralisme, avec l'Histoire. Le Chili, bien que faisant côtoyer richesses incroyables et misère de tous les jours, offre au voyageur des infrastructures d'une modernité équivalente à n'importe quel pays développé. Ou tout du moins donnant la certitude que son développement inexorable n'a désormais plus de limite - si ce n'est peut-être l'éventuel essoufflement de ses richesses minières.

En attendant, dans le terminal de cette ville dont je ne connais pas le nom, j'attends sagement avec mes deux compagnons d'echappée le départ de mon bus pour aller toujours un peu plus au Nord. Parfois je me dis que je ne mesure pas ma chance de voyager, d'aller où le vent me porte, là où ma volonté m'attire...

"Je n'ai pas peur de la route
Faudrait voir faut qu'on y goûte"

(Noir Désir)